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Jaffa-Jérusalem

(4-8 août)

Le vendredi matin, quatrième jour d’août, la lune brillait belle et claire. Les pèlerins ne se firent point appeler deux fois. Nous fûmes, chacun de nous, prêts très tôt pour parfaire notre sainte, dévote et sacrée entreprise. Une fois installés dans le canot, nous fûmes conduits à Jaffa, qui est un port de mer où il est très dangereux d’accoster à cause des énormes rochers et des écueils dissimulés sous l’eau près de la côte, et aussi parce que la mer était alors extraordinairement déchaînée. On dit que ces énormes quartiers de roche proviennent de la destruction des grosses tours et des murailles de Jaffa, qui dans l’Antiquité avaient été érigées et bâties d’une hauteur extraordinaire et de somptueuses dimensions par Japhet, troisième fils de Noé. Depuis, elles ont été détruites et jetées à bas par les empereurs Titus et Vespasien lors de la conquête de Jérusalem, quand ils vinrent venger la mort et la Passion de notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ. Pour l’heure, il n’y a plus, en fait d’habitation, que deux grosses tours carrées de fort belle hauteur, nullement contiguës, distantes de trente pas, situées sur une colline, dominant les cavernes où l’on tient enfermés les pèlerins. Ces tours sont la résidence du lieutenant-capitaine du gouverneur de Rama, auxquels les Maures sont étonnamment soumis, comme nous avons pu de façon évidente nous en apercevoir. À l’instant où nous nous approchions du port, la mer était fort déchaînée, et nous eûmes beaucoup de peine pour passer entre les rochers dont nous avons parlé à cause de la violence et de l’impétuosité des vagues. Toutefois, grâce à Notre-Seigneur et à son bon plaisir, notre canot franchit ces obstacles et nous amena au port, où déjà étaient à pied d’œuvre, nous attendant, une grande foule de Turcs, de Maures, de Chrétiens de la Ceinture[170], de Géorgiens, ainsi que les ânes tout prêts pour nous emmener sur leur dos. [34] Il nous fallut d’abord en passer par l’accueil de nos hôtes. À peine étions-nous débarqués, qu’un groupe de Turcs et de Maures saisirent chaque Chrétien par le bras (comme fait un sergent pour un criminel) pour nous emmener en de grandes cavernes creusées sous terre en forme de caves voûtées, comme celles de nos pays où nous entreposons les vins. Ils portaient, chacun, une brassée d’herbe sèche ou de fenasse[171], dont ils jonchaient le sol et sur laquelle ils nous faisaient asseoir, en nous disant une sorte de : « Reste là ! », comme fait une mère à son enfant. C’est en cet état et de cette façon qu’il nous fallut rester là-dedans un grand moment, jusqu’à cinq heures du soir, pendant que notre patron mettait au point l’accord avec ces messieurs les Maures, concernant notre passeport et notre libération. À ceux qui nous y avaient amenés et qui nous avaient réparti l’herbe sèche, nous dûmes verser à chacun deux marquets en paiement. Ce n’est plus la mode maintenant de tenir un registre comportant la liste nominale des gens, comme par le passé[172]. Pourquoi ? C’est que le capitaine et le patron, sous la foi du serment, fournissent l’effectif des pèlerins à raison, pour eux, de dix ducats par personne, que le capitaine doit débourser personnellement, conformément au contrat signé à Venise, stipulant que cette somme était comprise dans les cinquante-deux ducats[173] à régler par chacun de nous. Ladite somme d’argent versée ainsi au seigneur soubachi, c’est-à-dire le lieutenant du Grand Turc, correspond aux prestations qu’il doit assurer et qui sont les suivantes : la fourniture par pèlerin d’un âne pour notre transport tout au long de nos déplacements à travers l’ensemble de la Terre Sainte dans les lieux convenus pour notre visite, une protection de quatre-vingts ou cent Turcs parfaitement équipés de leurs armes légères, de façon à assurer notre défense contre les maudits Arabes, sur la route de Jérusalem, sur les bords du Jourdain, à Jéricho, à Bethléem, dans les montagnes de Judée et ailleurs, au Saint-Sépulcre lors des visites prévues trois jours et trois nuits durant, non continus, mais espacés de trois ou quatre jours entre deux séjours. Le soubachi, tout au long de notre séjour et de nos besoins, est tenu d’être lui-même présent, afin d’assurer en personne notre défense et de nous secourir, en veillant à ce que personne ne nous moleste de quelque façon que ce soit.

Durant tout le temps de notre séjour dans ces fameuses cavernes, il y avait un certain nombre de gens qui se disaient Chrétiens de la Ceinture, ou des Géorgiens, qui nous apportaient du pain blanc, de l’eau, du raisin, des œufs « cuits dur »[174] et de grosses pastèques[175], de la taille d’une tête d’homme, contenant quasiment une pinte de jus, fort rafraîchissantes ; mais gare aux fièvres si vous vous avisiez d’en trop manger.

[34v.][176] Jaffa (ou Joppen) était une cité maritime sise sur la mer de Palestine, datant d’avant le Déluge. Sur sa côte se trouve l’endroit où Jonas le prophète, sur ordre de Dieu, embarqua pour aller annoncer aux gens de Ninive la destruction de leur cité. À proximité desdites cavernes, il y a, à un jet d’arc, une petite chapelle en forme d’oratoire, sur le bord immédiat de la mer ; c’est le lieu où saint Pierre vint de Lydda, près de Rama, pour ressusciter une femme, en hébreu Tabitha, en grec Dorcas et en latin Damula. Vous trouvez cela dans les Actes des Apôtres, au chapitre IX : « Pierre, s’agenouillant, se mit en prières, et s’étant tourné vers le corps, il dit : “Tabitha, lève-toi.” Elle ouvrit les yeux et, à la vue de Pierre, s’assit sur son séant. » C’est là que se trouvait saint Pierre pour pêcher, lorsqu’il dit à Notre-Seigneur : « Seigneur, sauve-nous, parce que nous périssons. » Serait-il vrai Chrétien celui qui, entendant de ses oreilles tant de merveilles dignes d’être rapportées, et qui, voyant de ses yeux les lieux où se sont déplacés les précieux pieds de Notre-Seigneur, ne croirait pas en Lui ? N’aurait-il pas le cœur dur comme un diamant s’il ne pleurait pas de joie, en se rappelant le verset de David (Psaume 131) : « Nous entrerons sous sa tente, et nous tomberons en adoration à l’endroit même où il a mis ses pieds. » En se souvenant aussi que c’est là que notre Sauveur et Rédempteur Jésus a enduré Ses souffrances et a été supplicié pour notre Rédemption ; et en se remettant en mémoire que c’est sur cette Terre Sainte-là que Notre-Seigneur a accompli des prodiges et des miracles sans nombre, et qu’Il l’a ennoblie par Sa présence, Ses prédications, Sa glorieuse Passion, l’effusion de Son sang et une mort qui L’a étreint de son angoisse. C’est sur cette terre-là qu’Abraham, abandonnant sa maison familiale, toute sa parenté et sa lignée, vint s’installer à Hai, Gerara et Bersabée, et que sur ordre de Dieu il se fixa dans la région d’Hébron (Genèse, chapitres XII, XIX, XX). C’est pour cette terre-là que, de la même façon, Ézéchiel quitta les fleuves de Babylone. C’est là que parvint la très Sainte Vierge, mère de Dieu, enceinte du Saint-Esprit et grosse du Fils de Dieu (ce dont atteste saint Luc, chapitre II), au terme d’un voyage de trois grandes journées, où elle pressa le pas et se hâta, et qu’elle arriva à Bethléem. C’est en cette terre aussi que Jacob et Joseph, les très vénérables patriarches, reposèrent après leur mort, n’ayant pas pu la visiter durant leur vie, comme cela est écrit en Genèse, chapitre XLIX.

[35] C’est pour cette terre-là que Moïse préféra partager avec ses frères la persécution plutôt que de jouir de l’usufruit plein des agréments et des plaisirs tout éphémères du palais du Pharaon, comme cela est écrit en Exode, livres VI et VII. C’est par respect pour cette Terre Sainte-là que le très vénérable saint Jérôme se cacha et se dissimula dans l’étable de la crèche de Notre-Seigneur à Bethléem, au mépris des délices de Rome. Exemple suivi par saint Paul. La Terre Sainte qui est sous nos yeux est cette terre-là que, jour et nuit, durant tout le cycle annuel, notre mère la Sainte Église cite, rappelle et mentionne à travers toutes nos heures du bréviaire, par les lectures, les psaumes, les chants et les instructions, ce qu’elle fait de la même façon au cours du service divin. C’est pourquoi nous devons avoir pour elle, avant toutes choses, ferveur, amour et piété ; pour elle nous devons être remplis de tristesse et d’affliction à constater que, pour l’heure présente, elle est polluée et infectée par les souillures, les ordures et les immondices de ces maudits Turcs et Sarrazins, et demander à Dieu en même temps, avec ferveur, qu’il Lui agrée d’inspirer au cœur des bons et fidèles princes chrétiens la volonté de la reconquérir vite, afin d’accroître pour toujours le rayonnement de notre sainte foi catholique, et d’éteindre et de faire régresser la fausse et perverse religion des sectateurs de Mahomet[177].

Mais revenons à notre sujet. Il était environ quatre heures. Nous étions là, enfermés dans nos cavernes, à attendre toujours notre libération, quand nous aperçûmes notre seigneur le capitaine quittant la nave, ce qui nous causa beaucoup de joie, car nous étions persuadés que nous allions rester séquestrés toute la nuit. Il nous rejoignit. Accompagnés de notre interprète turc, nous quittâmes ledit Jaffa, montés sur les ânes que les Maures de Rama nous avaient amenés, sur ordre du lieutenant du seigneur soubachi. À califourchon sur les ânes, eux revêtus de leur bât, nous ayant aux pieds des planchettes en guise d’étriers, à la manière des lépreux de nos pays, bien installés et accompagnés par une forte troupe de Turcs préposés à notre protection, par crainte des Arabes, nous nous mîmes à pousser et à presser nos montures sur un beau chemin tout poussiéreux, à travers la plaine, tout droit en direction de Rama. Si bien que pour la nuit nous étions parvenus à proximité d’un vieux village nommé Valloth, distant de Jaffa de quatre bons milles. Nous aurions souhaité continuer, parce que la chaleur du soleil s’était dissipée, mais nos guides et gardiens s’y opposèrent. Il nous fallut nous soumettre, et nous coucher sur la dure, après avoir rendu nos ânes aux âniers.

[35v.] Il fallait que nous connaissions leurs noms et que nous les retenions de manière à pouvoir ravoir les ânes (qu’ils pansaient à leur guise) plus facilement le lendemain, chaque fois que nous en avions besoin. Le nom de mon ânier était Lalilou, et, quand j’en avais besoin, je criais comme un perdu : « Lalilou ! Lalilou… » Alors il venait à moi, il me présentait l’âne, me tendait les étrivières, me troussait ma robe et me rendait tout un tas de petits services pleins de gentillesse. Ce qu’il faisait d’autant plus volontiers que je ne montais jamais en selle – c’était la même chose quand j’en descendais – sans lui glisser un pourboire de quelque menue monnaie. Je n’y étais nullement tenu, étant donné que ces services étaient compris dans le salaire qu’ils percevaient du propriétaire de l’âne. Mais voilà, vous gagnez toujours à être généreux. Et je crois que les autres ne l’étaient pas moins que moi.

En pareille situation, celui qui n’avait de quoi se sustenter était bien inspiré de s’en aller à travers les rues à la recherche de nourriture. Pour moi, je ne l’aurais jamais conseillé à quiconque, de crainte d’en revenir trop tard, et d’y encourir les plus grands dangers sur sa personne. Même là où nous étions tous regroupés, semblables aux moutons de Champagne, nous n’étions pas en sûreté, en dépit de la garde qui nous protégeait. Pourquoi ? C’est que nos ennemis étaient ceux-là mêmes qui étaient chargés de nous conduire. Il y avait aussi à cela une autre raison. C’est que nous n’étions point accompagnés par le gardien du couvent de Sion à Jérusalem, comme nous aurions dû l’être, car nous avions été fort mal informés de la procédure à suivre. En effet, nous ne devions pas quitter la nave sans en avoir reçu l’autorisation dudit gardien et sans l’attendre. Il agissait en cela avec une délégation de pouvoir du pape, ce qui est d’un grand poids sur la terre de Jérusalem. Mais la faute en revenait à notre capitaine qui était un jeunot vaniteux, d’une habileté peu ordinaire pour ce qui était de faire du commerce et de gagner de l’argent.

Nos Maures se faisaient un devoir de nous fournir en paille, en herbes, en fenasse et en feuillée, autant pour nourrir les ânes que pour nous servir de coussins où reposer nos têtes. À proximité de l’endroit où nous campions, il y avait une mosquée remplie de Turcs. Toute la durée de la nuit, ils ne firent, à l’intérieur de ce lieu de prières, que manger et chanter en s’adonnant à leurs pratiques mahométanes. Quand un groupe de dix ou douze avait chanté et hurlé à hauts cris : « Hyo, halo, hyo, halo ! », ils s’arrêtaient et puis s’attablaient autour de tapis étendus sur le sol, sur lesquels on avait disposé leur repas. Puis, durant le temps qu’ils se goinfraient, les autres les relayaient, et chantaient de plus en plus fort jusqu’au point du jour. Telles sont leurs pratiques chaque vendredi soir, à cause de la fête du sabbat du jour suivant[178] samedi. Quelques-uns d’entre nous [36], dans le plus profond silence et en cachette, voulurent aller voir quel était ce divertissement à soubresauts, mais il furent repérés par les Turcs, à moins que ce ne fût par nos propres guides, et pour un peu ils auraient été happés au collet par ceux qui étaient dans la mosquée ; ils eurent tout intérêt à prendre la poudre d’escampette. Ils y perdirent qui un soulier, comme monseigneur de Chassagne en Savoie[179], qui son bonnet, comme monseigneur du Bar son voisin. Ce fut là une bonne occasion pour nous de plaisanteries et de moqueries à leur encontre.

Le samedi, cinquième jour d’août, un peu après minuit, la lune s’était joliment levée, nous inondant de sa lumière frisquette. Chacun de nous monta sur son âne, à condition toutefois de l’avoir trouvé. En ce domaine, certains eurent fort à faire pour reconnaître le leur. Peut-être la veille au soir s’étaient-ils laissés surprendre par le vin, ce qui fait qu’ils avaient oublié le nom de leur Maure. Toutefois, Dieu aidant, tout le monde se trouva à nouveau sur sa monture ; et nous allions, toute la troupe, avançant d’un bon train droit sur Rama, à travers un beau pays, étonnamment fertile, riche en céréales, coton, dattiers, oliviers et orangers, un pays uniformément plat comme la plaine de Champagne. Sur notre route, nous trouvâmes un certain nombre de bâtiments à usage religieux, appelés mosquées, avec voûtes et coupoles à fond de chaudière[180]. Toujours est-il qu’au point du jour nous étions à Rama. C’est une grosse bourgade, vieille et pauvre, totalement ruinée, à l’exception de quelques bâtisses qui méritent qu’on en fasse quelque peu mention, comme une très belle tour ayant appartenu à l’église Saint-Georges, ainsi qu’un certain nombre d’autres édifices qui laissent supposer que c’étaient, lorsqu’ils étaient intacts, de beaux bâtiments, conçus à la mode ancienne. Mais la plupart d’entre eux sont à terre, et personne en la cité, tellement est grand l’état de pauvreté et de misère des gens, n’a le souci de les relever.

Avant de pénétrer dans la ville, il nous fallut mettre pied à terre et rendre nos montures à leur ânier ; puis l’on nous mena et conduisit au grand hôpital, compartimenté en petites chambres voûtées, le tout atteignant bien quatorze ou quinze pièces. C’est le bon duc Philippe de Bourgogne[181] – puisse Dieu lui pardonner ses fautes –, le père du duc Charles[182] qui trouva la mort sous les murs de Nancy, qui en ordonna la construction. D’autres libéralités lui sont encore dues, et qui méritent d’être mentionnées, par exemple les tapis de Turquie et les petits coussins de cuir remplis de coton dont il fit don audit hôpital. Mais les religieux, gardiens de Sion, propriétaires du lieu, les ont, par crainte des Turcs, faits transférer à Jérusalem, destinés à être offerts aux pèlerins lorsqu’ils se disposent à passer la nuit à l’intérieur du Saint-Sépulcre.

Tandis que nous étions là, enfermés à l’intérieur de l’enceinte de l’hôpital, Turcs, Maures et autres, avides de faire de l’argent, venaient nous offrir du pain, du raisin, des poulets, des oranges, des œufs « cuits dur »[183], [36v.] de l’eau plate à boire, qui était conservée, pour notre usage, dans deux belles citernes creusées dans le sol, auxquelles on ne touche point ou fort peu, si ce n’est en cas de nécessité, hormis la période où les pèlerins sont là, et une fois qu’ils sont repartis. L’intendant l’utilise alors pour les besoins de la maison ; et durant la saison froide qui suit, les citernes se remplissent du ruissellement des eaux de pluie qui s’abattent sur le bâtiment ; emmenées par de beaux corps[184] de ciment, elles rejoignent la profondeur des citernes.

Les dimensions de la porte de l’hôpital, tout comme celles de Rama et de Jérusalem, n’atteignent pas en hauteur la poitrine d’un homme, ce qui contraint à baisser bien fort la tête pour y passer. Quand nous sommes à l’intérieur, nous sommes en sécurité, parce que c’est une demeure qui continue à rester, comme elle l’était du temps passé, une maison franche, mais à l’heure actuelle les bonnes et louables coutumes disparaissent, et je ne m’y fierais pas beaucoup. La raison en est que, lors de notre retour, j’ai assisté à la scène suivante : on s’empara d’un pèlerin flamand, on lui administra une volée de cinq ou six coups de bâton, puis on l’emmena en prison, sans que quiconque, aussi courageux fût-il, osât élever la moindre protestation. Pourquoi cela ? Je vous le dirai dans mes notes concernant le retour.

Certains parmi nous autres avaient un soupçon de vin dans leurs cruchons, mais ils se le réservaient pour eux-mêmes – ce en quoi ils avaient bien raison, car ici le vin est introuvable, étant donné que nous avons affaire à des Turcs qui n’en boivent jamais une goutte, parce qu’il n’y en a pas, ou du moins parce que la religion de Mahomet le leur interdit. On nous présentait du vin de grenade, obtenu en pressant de grosses pommes de grenade pour en extraire le jus, et il y a des gens, étant donné les grands vergers qu’ils possèdent, qui en font provision quelquefois chez eux en utilisant des récipients d’argile d’une contenance allant jusqu’à dix ou douze poinçons, selon nos mesures de France. Je crois que c’est une boisson à faire danser le diable, tellement elle est âpre et fière[185]. En aucune façon je ne voudrais y porter les lèvres. Monsieur le baron Claude d’Haussonville se mettait en devoir de faire venir du vin depuis la nave même, et c’était un effet de sa bonté de ne pas me le mesurer. Il confiait à nos Maures la mission d’aller à dos d’ânes y faire provision de malvoisie par barils de quinze ou seize quartes chacun peut-être, que l’on coupait avec de l’eau à volonté. N’allez surtout point penser autrement : j’étais très lié à lui, et lui réservais toujours une bonne mine, mais je n’étais pas le dernier à rompre avec lui. Il lui arrivait même de me faire prendre dans son propre cruchon mon vin de presse[186], que je trouvais fort bon, parce qu’on en avait peu et qu’il était rare. Imaginez combien était grande, pour des gens de bonne maison, l’épreuve de vivre dans un pays étranger, si loin et sans trouver ce dont ils ont le plus besoin.

[37] Derrière le bâtiment, on trouve un jardinet doté de six beaux édicules en pierre de taille, fort profonds, où les pèlerins se rendent pour leurs besoins ô combien fréquents. Il faut se garder d’y aller derrière une personne atteinte du flux diarrhéique, épidémie que nous appelons « chac sang », et qui fait des ravages aussi redoutables que la peste en nos pays. Lors de notre voyage de retour, plusieurs personnes moururent de cette maladie contagieuse[187]. Puisse Dieu recevoir leurs âmes.

Depuis l’hôpital on peut apercevoir l’ensemble de la ville et tout le pays environnant qui est l’un des plus beaux pays du monde, uni et plat comme un pavé, jusqu’aux hautes montagnes qui l’enserrent tant en direction de Jérusalem que de Gaza. Vous y voyez tant de variétés d’arbres que c’en est chose merveilleuse : palmiers de haute taille qui portent les dattes à grosses « trochées »[188] et touffes semblables, par leur forme, à des sortes de grappes de raisin dont une seule suffirait pour remplir un demi-boisseau, grands sycomores portant de petits fruits disposés en carrés comme le fusain, chez nous, porte ses graines, grands cyprès d’une hauteur incalculable, oliviers, orangers, grenadiers, et tant d’autres espèces d’arbres que je ne connais pas et qui sont inconnues de moi, dont je ne saurais rien vous dire.

Nous fûmes visiter la ville par groupes de dix ou douze, les uns derrière les autres ; nous y vîmes les commerçants qui n’étaient pas grandement approvisionnés en produits de valeur, si ce n’est de grandes quantités de froment que l’on chargeait à dos de chameau, des noix, du lait et quelques marchandises et productions de diverses sortes. Lorsque nous passâmes devant les ateliers où se vendaient tissus, coton, futaines, j’eus le sentiment que les vendeurs se moquaient de nous en émettant avec leur bouche de petits bruits dont on aurait dit que cela venait de la partie postérieure de leur personne. Quant à nous, il faut dire la vérité, nous leur adressions de belles et brèves bénédictions à voix si basse qu’ils ne pouvaient pas entendre ; de plus nous redoutions de recevoir des horions. Trop aller au soleil n’est point la meilleure des solutions ; il faut s’en protéger le plus possible, par crainte d’une commotion cérébrale due à une insolation, car cela entraînerait, en fin du processus, une affection grave. Pourquoi ? C’est que nous ne sommes pas habitués comme ces gens-là à ce type de climat.

Rama est une cité fameuse dont parlent les saints Évangiles et le prophète Jérémie, lorsqu’il dit : « Une voix, à Rama, a été perçue ; c’est celle de Rachel pleurant ses fils, et qui ne peut pas être consolée, parce qu’ils ont disparu[189]. » En la Sainte Écriture, vous trouverez beaucoup d’autres citations, mais certains ont été induits en erreur et se sont trompés sur ce nom ; ils croyaient qu’il s’agissait de Rama dont il est question ici. Ce n’était pas cela, mais Rama située auprès de Tecman (?) sur la route d’Hébron, et une autre Rama, dans la tribu de Nephtali, à proximité de la forteresse de Sephet.

[37v.] Ce dit jour, samedi cinquième d’août, aux environs de neuf ou dix heures du matin, nous rejoignit le gardien du mont Sion, homme de sagesse, de grande distinction et de belle prestance, portant une barbe qui lui descendait jusqu’à la poitrine, accompagné des frères dudit couvent. Il était fort irrité et fâché contre notre capitaine, parce qu’il nous avait amenés si loin à l’intérieur du monde turc, sans avoir obtenu de lui ni la permission ni l’autorisation de débarquer, et qu’il ne lui avait pas laissé ce soin du convoyage des pèlerins, en totale sécurité, après avoir reçu de lui l’absolution générale de leurs péchés au nom de notre Saint-Père le pape dont il tenait le pouvoir en sa qualité de patriarche. Il nous apprit que le résultat en était que nous tombions sous le coup de l’excommunication majeure pour avoir quitté la nave sans sa permission et nous être risqués sur cette terre devenue à l’heure actuelle terre profane[190].

L’annonce de cette sentence remplit chacun d’entre nous de stupéfaction, et moi en premier, qui ne pouvais qu’être au comble de l’angoisse. Quand il fut rentré dans sa chambre, j’eus l’audace et la hardiesse de l’y rejoindre. Le capitaine était là ; sous ses yeux, je me prosternai à ses pieds, lui montrant le congé à moi donné par l’abbé, mon supérieur. Il l’examina avec bienveillance, à en juger par sa mine, disant que le texte en était clair. Il fut particulièrement sensible à la clause qui stipulait : « […] en aucune façon ne relève de la Curie romaine ». Après cela, il nous convoqua tous à venir le rejoindre, nous fit nous prosterner et nous agenouiller à deux genoux, et nous enjoignit de dire, les mains jointes, le Confiteor et l’Ave Maria. Après quoi il nous donna une absolution générale pour la totalité de nos fautes, par délégation de pouvoir du Saint-Siège apostolique. Mais nous ne pouvions saisir parfaitement et intelligemment ses paroles, parce qu’il ne les proférait pas à haute voix. Quand cela fut terminé, il nous congédia, nous laissant aller vaquer à nos occupations et à nos affaires, soit faire oraison, soit aller prendre une collation.

Après le dîner, ce dit jour de samedi, la chaleur atteignait des cimes, et était suffocante. Ledit seigneur gardien abandonna notre groupe, accompagné de son adjoint, en même temps que du commis [turc] de notre capitaine, pour regagner notre nave qui était au port de Jaffa, afin de donner l’absolution à tous ceux qui y étaient toujours, le motif étant qu’ils tombaient, tout comme nous, sous le coup de l’excommunication, pour avoir débarqué en même temps que nous. Ils ne furent pas plutôt arrivés qu’ils durent constater que notre nave avait été arraisonnée et mise sous séquestre par les Maures. Eux-mêmes furent arrêtés. On s’empara d’eux et on les maintint en détention audit port, sentence qui leur fut signifiée par le scribe du gouverneur de Jaffa, qui est seigneur de Rama. La raison de cette arrestation était que notre capitaine [38] avait tellement envie de nous voir hors de ses mains qu’il nous avait emmenés sans s’acquitter de la taxe due par nous audit gouverneur de Jaffa, à savoir, par tête quatre sous, soit deux carolus, lors du report de nos noms sur les registres d’inscription. C’est ainsi que notre capitaine, Iscarioth vaniteux et fourbe comme l’est un Maure d’Arabie, ne fit pas coucher nos noms sur les registres et n’attendit pas l’arrivée du scribe préposé à l’opération. Pour cette énorme faute, il réclamait à chaque pèlerin une amende de vingt-huit sous, ce qui représentait une belle somme d’argent. Nous fûmes contraints, pour ravoir notre gardien, d’envoyer des émissaires à Jérusalem au seigneur soubachi, lieutenant du Grand Turc, pour arranger l’affaire. Telle est la raison pour laquelle nous restâmes trois jours à Rama, à faire la visite de la vieille ville. Néanmoins, notre capitaine fut contraint de céder, de payer et régler le scribe. Quel fut le montant de ce règlement ? Je n’en sus rien, car il fut pris sur la bourse de notre patron et capitaine.

Le lendemain dimanche, sixième jour d’août, et fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus, nous étions fort inquiets de n’avoir aucune nouvelle de notre gardien. Nous ignorions l’heure de notre départ ; et la chaleur était si accablante que nous pensions quasiment en mourir, sans recours auprès de quiconque, ce qui nous causait une énorme peur, vu et bien considéré qu’il y avait trop longtemps que nous étions entre les mains de ces maudits Turcs et Infidèles, à la façon des malheureuses brebis et de leurs agneaux regroupés au coin du bois, à la merci de la gueule des loups. Nous n’osions pas vraiment sortir de l’hôpital ni nous faire voir, à moins d’être en groupe compact. Toutefois, le désir pieux nous prit d’aller visiter une église, dédiée à saint Georges, située à deux milles de Rama, dans une ville du nom de Lydda, où monseigneur saint Pierre guérit une femme paralytique nommée Enéas. Une messe y fut dite en grec. Et l’on nous fit voir la pierre sur laquelle monseigneur saint Georges fut décapité. On nous réclamait, par personne, un marquet, mais certains des Maures qui étaient nos guides et qui nous accompagnaient refusèrent absolument que nous payions quoi que ce soit, de crainte d’enfreindre l’ancien usage. Ceux qui nous demandaient que nous nous acquittions d’une taxe étaient pour la plupart des Chrétiens renégats ; ils nous étaient plus hostiles en toutes choses que les Turcs et les Sarrazins d’origine. Aux environs de six heures, nous reprîmes le chemin de Rama, sous une telle chaleur qu’il n’y avait aucun de nous qui n’eût englouti une pinte de bon vin de deux traits, à condition bien sûr de pouvoir en trouver.

[38v.] Au retour de notre visite à Lydda, nous retrouvâmes à Rama le gardien qui avait été libéré, mais notre commis maure y était demeuré comme otage, à travers sa personne, pour tout notre groupe ; nous fûmes contraints de rester encore à Rama, ce qui nous fut fort pénible. Mais, en toute adversité, il faut savoir pratiquer la vertu de patience. C’est de cette façon que se passa la nuit.

Le lundi, au point du jour, septième jour d’août, mourut en notre groupe un bon gentilhomme de Savoie, du nom de monseigneur Jean de Genève, seigneur de Bouringe[191], qui avait un revenu annuel d’environ six cents livres de bonne monnaie. Il avait laissé à la maison neuf filles à marier, et un fils qui l’était. N’eût été la négligence de notre capitaine, il aurait bien atteint Jérusalem, ce qui fut pour notre malheureux seigneur cause de profonds regrets[192]. Immédiatement, le gardien s’empara de l’or et de l’argent qu’il avait sur lui, affirmant que cela revenait au couvent des religieux de Sion, avançant, comme raison, la clause d’une bulle qui stipulait que, lorsque des pèlerins venaient à mourir et à trépasser en Terre Sainte, c’étaient les frères mineurs de Sion qui étaient les seuls et légitimes héritiers de l’argent qu’ils possédaient sur eux. Je ne parle point de ce qui est gardé en réserve sur la nave. En tout cas, solution de force, solution de droit, le gardien eut la jouissance de cette somme d’argent, qui pouvait bien, à elle seule, s’élever à cent vingt ducats d’or. Il y préleva toutefois, pour chacun de ses serviteurs – ils étaient trois – dix ducats. Mais lesdits serviteurs, estimant que cela n’était pas suffisant, refusèrent. Ils finirent cependant par céder, la devise du gardien étant : « À force de patience on arrive à tout », vu et bien considéré que le capitaine avait déjà reçu à Jaffa le règlement des frais de leur retour.

Ledit seigneur fut inhumé à l’hôpital de Rama, en un lieu éloigné, auprès d’un gros figuier et à l’écart, parce que tout laissait croire qu’il était atteint de la lèpre. Lorsqu’on creusa sa fosse, on tomba sur un beau cercueil où l’on avait déjà, il y avait bien longtemps, déposé un corps. La cérémonie funèbre se résuma à peu de chose ; nous ne fûmes que quelques-uns à accompagner le corps en récitant le Pater noster, l’Ave Maria, etc.

Sur le coup de deux heures après midi, sous une chaleur qui vous interdisait quasiment d’aller au soleil, on nous amena nos ânes ; nous montâmes en selle, et la troupe s’ébranla, sous la conduite de nos gardes, qui mettaient tout en œuvre pour assurer un bon trajet. Ceux d’entre nous – du moins ceux qui en avaient – vidaient leurs cruchons, en cachette, de manière à ne pas être aperçus. Nous passâmes ainsi le long de quelques sépultures seigneuriales, à proximité de Rama. Sur chacune d’elles, il y a une pierre en forme de pyramide, haute d’environ trois pieds, à la façon des croix que nous mettons, nous, sur nos propres tombes.

[39] Nous étions là, traversant au rythme précipité du pas de nos ânes la luxuriance d’une belle plaine aux champs remplis de sauge et de fenouil, et d’une multiplicité d’autres plantes aromatiques étonnantes, qui croissent comme chez nous les herbes ordinaires. C’est ainsi que nous parvînmes à un petit village, en situation, pourrait-on dire, de château-fort, sur une colline, en langue hébraïque Quebabe, distant de Rama de quatre milles. À deux milles de là, nous passâmes sous les murs d’une petite ville, pareillement sur les hauteurs, du nom de Latronne, presque en ruines. Les gens rencontrés avaient beau être Turcs ou Sarrazins, ils nous offrirent dans de grands récipients d’argile de l’eau douce bien faite pour nous rafraîchir ; il y avait là, de la part d’Infidèles, des gestes empreints de beaucoup d’humanité. À partir de cet endroit, nous amorçâmes notre descente par une gorge ravinée entre deux montagnes inaccessibles à la fois aux hommes, aux chevaux et à ceux qui auraient l’intention d’en faire l’ascension. Pour traverser ces lieux désertiques, notre progression fut fort pénible ; si nous, nous étions en nage, nos pauvres ânes, eux, enduraient le martyre, et nous devions avancer à la queue leu leu. Il y avait vraiment lieu de rire à grands coups, si toutefois quelqu’un trouvait le moindre instant pour cela : l’un tombait de sa monture, pour un autre, c’est son âne qui trébuchait, d’autres laissaient échapper leurs petits bagages. Ceux-là surtout qui avaient une mauvaise monture, et ceux qui n’étaient pas très experts dans l’art de se tenir en selle, enduraient les pires tourments. En plus, on nous disait que c’était là l’endroit le plus dangereux entre Rama et Jérusalem, car c’est là que nous risquions de rencontrer des Arabes. Toutefois, Dieu aidant, nos efforts furent récompensés, et à dix heures du soir nous débouchions dans une vallée fort fertile, riche en cultures et en arbres de belle venue, appelée Val de Jérémie le prophète, le lieu même où il vint au monde. Il y a là une fort belle source d’eau potable et fort bonne, la seule, à peu près, que l’on trouve en bordure des chemins, sur tout le territoire de la Terre Sainte. C’est ce qui fait que l’on trouve l’eau bien meilleure. Il y a là aussi une bâtisse ancienne dont les vestiges prouvent que ce fut dans le passé un lieu fort riche. Pour l’heure, ce n’est que ruines totales, résultat de la campagne dirigée par le Turc au pouvoir contre le sultan qui était le gouverneur de Jérusalem. C’est là que, assis serrés sur la dure, par crainte des dangers que nous encourions, nous prîmes notre collation du soir, puisque tel était le bon plaisir de Notre-Seigneur. Qui avait un quignon de pain à manger, il avait bien de la chance, car en pareil lieu il n’y avait qu’un pauvre métayer qui disposait juste du nécessaire pour sa propre subsistance. Durant la nuit, un interprète qui était de Jérusalem, un vieux « diable », ne cessait de nous répéter [39v.] en guise d’avertissement et pour notre plus grand bien : « Messieurs les pèlerins, prenez garde à vos bagages ! Messieurs les pèlerins, prenez garde à vos bagages… », voulant par là nous signifier de ne pas relâcher notre attention sur nos paquets, si petits fussent-ils, par crainte que, pendant notre sommeil, les Maures et les Turcs, y compris ceux-là mêmes qui assuraient notre convoyage, ne nous volent et ne nous pillent quelque chose. Assurément, cet avertissement était judicieux, et en plusieurs occasions cet interprète turc-là nous a rendu beaucoup de services et nous a été bien utile.

Le mardi matin, huitième jour d’août, quand la lune se fut levée, et que nous eûmes pris quelque quatre heures de repos, il n’était pas aisé à chacun d’entre nous de récupérer son âne, parce qu’il ne faisait pas suffisamment jour pour qu’il nous soit possible de l’apercevoir et de le reconnaître. Nous nous mîmes alors à appeler nos Maures par leurs noms, tels que nous les avions retenus. Finalement, tout le monde se trouva en selle, et à l’heure susdite nous quittions ledit Val de Jérémie, pour nous lancer sur des pentes escarpées et à travers des espaces de tous les dangers. Il arrivait que les auteurs de nos ennuis et des vols dont nous étions les victimes soient nos guides eux-mêmes ; ils s’emparaient de tout ce qu’ils pouvaient avoir de nous, en le subtilisant discrètement, lorsqu’ils se rendaient compte que le groupe s’était un peu disloqué, par exemple des cruchons, des couteaux, des gibecières, des cierges, des bourses, et de tas d’autres choses que nous portions suspendues à la ceinture. Il faut être sur ses gardes quand on est dans ce cas-là, car la chose la plus dangereuse qui soit c’est de se trouver trop en avant ou trop en arrière. On raconte ce qui suit. Lors du retour, il est arrivé quelquefois que l’on ait retrouvé des corps de personnes que les Sarrazins avaient, en toute discrétion, tirées hors du chemin et dissimulées dans les buissons, et que là, ne reculant pas devant un meurtre, ils les avaient fait mourir de façon ignominieuse. Occuper la position centrale est toujours la meilleure solution, en collant aux autres, et ce, en n’hésitant pas à piquer à grands coups d’aiguille de bois son âne sur le gras de l’encolure, pour éviter la plus petite trace de sang sur les flancs de la bête, ce que ne manqueraient pas de remarquer les Turcs. Cela pourrait vous en cuire, et vous pourriez bien alors recevoir une jolie volée de coups.

Nous longeâmes la bourgade de Ramatha, d’où était originaire Joseph d’Arimathie à qui appartenait le sépulcre creusé dans la colline du Calvaire, dans lequel Jésus fut enseveli. Au pied de la montagne, nous vîmes sur notre route un vieux château en ruines, bien qu’il en reste quelques vestiges, ainsi qu’un bon nombre de jardins et de vergers apparemment fort florissants, où coule un beau ruisseau. On nous dit que c’est là que David avait défait le grand philistin, Goliath le géant. Puis nous nous engageâmes sur la route qui conduit à Jérusalem, tracée au milieu de la montagne qui la borde des deux côtés, les uns derrière les autres comme à la procession. Nous passâmes devant le château nommé Emmaüs[193], où Notre-Seigneur apparut aux deux pèlerins, appelés l’un Cléophas, l’autre Luc, [40] l’évangéliste, et qui fut reconnu par eux lorsqu’il rompit le pain, avant de disparaître.